Empire

Exposition à la Galerie Michel Guimont du 27 mars au 18 avril 2021

La série de tableaux Empire est issue d’un désir de questionner le rôle du pouvoir et de l’argent dans la culture, et leur impact sur la vie des gens, sur la création des artistes. Il semble évident que l’histoire de l’art récente peut être interprétée comme le résultat de grands empires justifiant leur importance à travers la culture. L’artiste explore ici le rapport historique entre l’art et le pouvoir, il crée des peintures qui offrent plus qu’un véhicule pour les valeurs dominantes et qui, en fin de compte, parlent de liberté.

Les tableaux figuratifs étant une exploration de son propre rapport à l’art et à la culture, l’artiste crée une série de tableaux qui évoquent la notion d’Empire, avec ses effets sur les populations, mais aussi sur l’histoire de l’art et sur la création culturelle actuelle. Travaillant dans un style réaliste et à partir de sources photographiques, il confronte les réalités évoquées dans les tableaux en les juxtaposant, en les rendant étranges, en construisant un agencement poétique pour susciter une réflexion. Les sujets sont variés, inspirés par les images prises dans des lieux spectaculaires qui mettent en lumières le rapport de l’art et l’argent (par exemple un défilé de mode ou une performance dans une grande galerie commerciale).

Pour le moment, aucun empire précis de l’histoire n’est visé par ce projet, il s’inspire théoriquement du livre Empire (2000) de Antonio Negri et Michael Hardt. Ceux-ci proposent un changement historique de paradigme entre l’impérialisme «moderne» fondé sur les états-nations et un post-modernisme émergent créé par le capitalisme des classes dominantes et fondant son autorité sur la force militaire et sur des créations légales internationales (ONU, OTAN, FMI, etc). Inspirés des écrits de Gilles Deleuze et Michel Foucault, les auteurs théorisent un Empire pensé comme un «agencement», une mécanique totalisante contre laquelle la seule résistance possible de la «multitude» est la négation.

Arrivé au Canada à un très jeune âge et élevé dans une famille très politisée, l’artiste a toujours été conscient des effets du pouvoir et de sa relation avec l’industrie et le commerce international. Venant du Chili, un pays qui a été pris dans les tensions de la Guerre froide dans les années 60 et 70, avec une dictature violente et des multi-nationales luttant pour le contrôle des ressources naturelles (minières principalement), l’histoire de sa famille a été prise dans cet engrenage et a émigré au Canada.

Tableaux

Mutations 

Les tableaux Mutation sont une façon d’évoquer le phénomène de mutation décrit par Hardt et Negri qui se produit à l’époque post-moderne. Les états-nations impérialistes deviennent un Empire basé sur de nouvelles prémisses : le nomadisme capitaliste sans frontières, qui oppose la multitude au Peuple, le désir au pouvoir et la reproduction biopolitique à la production économique.

Série Alarum 

La série Alarum est inspirée des scènes de bataille désordonnée des bandes dessinées, spécifiquement Astérix, de Goscinny et Uderzo. Dans ces images sont mis en scène des éléments classiques de l’imagerie de la peinture : coups de pinceaux, formes abstraites, étoiles, objets divers. Ces éléments recréent une «bataille» dans un décor de paysage. Ces paysages sont repris de peintures de guerre classiques : une bataille de Napoléon, la bataille de Gettysburgh de la Guerre Civile américaine, une bataille entre maures et croisés d’un tableau orientaliste. Le titre est une didascalie de Shakespeare tirée de King Lear et évoque l’excitation du combat, le dynamisme de la guerre. Ces dessins sont une façon d’évoquer l’aspect séduisant de la guerre, qui depuis la Guerre du Golfe est un spectacle télévisuel sans victimes, où les frappes chirurgicales ne détruisent que des édifices, où l’armement est montré comme un objet de luxe technologique. 

Le guide est une interprétation du tableau de Velazquez Portrait d’Innocent X, et il interprète le regard du pape comme une tension dynamique pleine de violence contenue.

Les derniers modernes, L’épreuve du feu et les autres tableaux de mise-en-scène architecturale sont des rencontres entre art, pouvoir et commerce. L’oeuvre d’art ou l’artiste s’y trouve dans un rapport d’étrangeté avec le public, avec les artistes ou les artisans. Ce sont des tableaux poétiques qui questionnent les différents rapports présents dans le commerce de l’art.

Les tableaux d’objets (La sphère des idées, Planète no. 1, La tour, Babel) sont une façon d’évoquer le désir d’accumulation, le besoin de rendre visible, compréhensible le divers. Ce sont des accumulations qui n’ont de sens que par leur titre, mais qui sont aussi des concepts essentiels de la culture, entre le désir d’accumuler et le besoin de comprendre le monde.

L’art de la disparition 

Ce tableau est une réaction spontanée à la réalité des artisans des arts vivants. Après avoir clamé que nous vivions dans la société du spectacle, celui-ci est devenu un écran. Les salles sont fermées, les tournées cancelées. Mais le public attend.

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