Compositions

Le projet «Compositions» est une série de tableaux sur le thème de scènes urbaines envahies par un matériau abstrait. De formats variés, les tableaux sont peints dans une variété de médiums dont l’acrylique et l’huile. La série offre à voir dans un style réaliste, des endroits qui me sont familiers et où semble intervenir un nouvel «acteur», une forme abstraite qui vient flotter au dessus de la composition. Les oeuvres sont peintes dans un style hétéroclite qui me caractérise et où cohabitent de multiples manières de peindre. D’aspect déconstruit, les tableaux sont parsemés de «fenêtres» ou de «trouées» où affleure une autre réalité. Et c’est sur ces théâtres que s’animent les «acteurs» : des personnages, des formes, des taches, qui racontent un monde en changement, un monde nouveau.

Cette série s’inscrit dans la continuité d’une pratique qui dialogue avec les sciences humaines. Inspiré et nourri par des textes de philosophie, de sociologie et de littérature, j’essaie de créer des oeuvres novatrices basées sur la contamination entre les médiums, entre les idées. Après avoir exploré la notion de «mutation» dans le monde de la sociologie dans la série «Empire», série inspirée d’un livre éponyme de Michael Hardt et Antonio Negri, une piste de questionnement est née dans la rencontre avec la pensée de Bruno Latour. Commencée comme un questionnement de la modernité et de l’«Empire» dans ses aspects colonialistes et impérialistes, la pensée de Latour m’a amené à réfléchir de nouveaux acteurs dans ce théâtre : l’ensemble du non-vivant. Dans cette dramaturgie, le monde moderne découvre que l’ensemble du non-vivant (le climat, la géologie, etc.), vu jusqu’alors comme une «nature» à étudier et une ressource, devient soudainement un acteur. Un acteur bien réel dans ce monde.

Mon projet est une série de mises-en-scènes de cet «acteur», cet hybride, ce monstre, cette tache qui vient s’insérer dans le monde policé et propre de la modernité bienveillante. Cette série de compositions est aussi une évocation des thèmes chers à Bruno Latour, l’idée d’un monde que nous devons «composer» à partir de nouveaux hybrides, vivants ou non-vivants, et non dans une vision purificatrice d’une modernité scientifique. Ainsi, en reprenant des thèmes et des manières de peindre qui me sont chers, je tente d’évoquer de nouveaux enjeux, difficiles à nommer. La représentation, la peinture abstraite, le dessin font autant appel à nos sens et à notre système nerveux qu’à notre intelligence à notre compréhension.  Créés dans une forme d’improvisation programmée, les couches successives se superposent et donnent à voir le travail de composition et d’improvisation.